Quand père rime avec enfer
Poster un commentaire13 septembre 2014 par Julie Curien
Peut-être qu’un jour on pourra se parler avec nos voix nocturnes.
La seule fin heureuse pour une histoire d’amour, c’est un accident [O único final feliz para uma história de amor é um acidente, 2010], est la première œuvre de João Paulo Cuenca, jeune écrivain brésilien (1978 – ) à être éditée en France, chez Cambourakis en 2013 (traduction de Dominique Nédellec). Elle a été conçue à l’occasion d’une résidence littéraire à Tokyo.
Portrait d’un père dictateur et poète, qui orchestre un monde-système étouffant, ressassant le passé pour mieux dominer l’avenir ;
Portrait d’un fils (à papa) cherchant l’ailleurs… la jouissance de l’instant présent, sur un refrain nocturne du musicien brésilien João Gilberto.
La fatalité — soit, ici, la domination patriarcale — en décide autrement, à l’instar de la course après le temps.
Dans ce roman étonnant, deux hommes meurtris, enfermés dans leur relation maître-esclave, écrivent et vivent, le titre dit vrai, la seule fin heureuse pour une histoire (d’amour) : une destruction, aka… un « accident ».
Le tout dans un Tokyo (in)humain, dirigé d’une main de fer par l’empire de l’argent, VS monde ouvrier, « eux » et « nous »… Nous, les puissants, pour qui tout baigne… ou pas, qui semons les eaux troubles. Et file la métaphore marine, du tentaculaire sous-marin voyeur, aux poi(s)sons destructeurs et autres poulpes engluant toute situation d’intimité… ou comment, mais comment, sortir de la soupe et du quotidien métro-boulot-dodo. Les pulsions de mort, traversant le récit, sont le moteur des nouvelles péripéties.
Roman délirant, bâti sur une structure originale : une série d’arrêts sur images, flash répétitifs, éclats parfois réjouissants, souvent angoissants, de culture pop transperçant une organisation traditionnelle non moins inquiétante. Une plume neuve de par sa force ironique, par un auteur à suivre… Son blog : http://jpcuenca.com/.