Crimes et jardins

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29 août 2014 par Julie Curien

Je me rendis compte que nous ne vivions plus dans le monde des faits, mais dans celui des nouvelles ; le lointain semblait proche et le proche lointain.

Crimes et jardins [Crímenes y jardines], roman policier de l’argentin Pablo de Santis édité en France chez Métailié, est une merveille d’épure, un plaisir de lecture où l’on se prend à glaner des perles, expressions minimalistes, presque magiques. Les mots, à mon sens ici, comptent davantage que le récit, pourtant à l’image de cette poésie. Bravo au traducteur, François Gaudry.

C’est l’histoire d’un fantôme : un détective de l’ombre, disciple d’un grand, disparu de mort naturelle, prend la relève du maître ; il continue d’ailleurs de loger chez ce dernier, en compagnie de la maîtresse de maison, distante car toute entière à ses plantes.

C’est l’histoire d’amoureux éperdus d’une jardinerie moins littérale que littéraire… Le premier d’une série de meurtres est commis dans un jardin ; la victime avait appartenu à un groupe de passionnés de « pensée des jardins, sans graines, greffes ni râteaux », chacun ayant son avis bien arrêté sur le sujet : méditation idéelle, idéal…iste, s’inspirant de Rousseau, Thoreau, Francis Bacon, Virgile… et du mythe de l’Atlantide.

C’est l’histoire tranquille d’une, pour ne pas dire plusieurs, folie(s)… l’occasion d’explorer sobrement « cette autre jungle qu’est l’esprit humain ».

– Dans les mots s’infiltre tout le mal du monde. Si je dirigeais l’éducation de ce pays, j’éliminerais la moitié des mots. On avancerait dans la vie d’un pas plus léger.

– Mais on ne sait pas comment nommer certains choses.

– Sans les mots, nous cesserions de penser à ces choses. Ce qui n’a pas de nom finit par se perdre.