Mexique, comédie politique !

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5 décembre 2013 par Julie Curien

Les années flétries

– REVIENS EN SEPTEMBRE – dit le chauve en fouillant dans le tiroir de son bureau -. Je te promets un bon rôle.

Dans le milieu des feuilletons radiophoniques au Mexique, le chômage sévit, face à la concurrence de l’offre vénézuelienne qui pratique les pires rabais.

[…] malheureusement, je croyais en mes personnages ; ils étaient tout ce que je possédais vraiment. Je les coiffais, je dormais avec, je leur donnais à manger. […] Je prêtais mon corps et mes cordes vocales au méchant de la série, et il s’emparait de moi ; en échange, je percevais trente pesos par émission enregistrée. C’était un mauvais marché, mais le monde est plein de mauvais marchés.

Parce qu’en plus, notre acteur est spécialisé dans les rôles de méchants… pas très vendeur pour se reconvertir dans la pub ! Il n’a aucune issue à portée de vue, son pécule diminue, et, comble de malheur, il est touché au cœur par la mort prématurée de sa partenaire de toujours, douce, vorace, maternelle, son amour inavoué… jusqu’à son décès. Autour de lui, le chœur des voisines, auditrices fidèles des radio-romans de l’amour, le plaignent — sa logeuse, inquiète, en tête :

Quelles joies vont-ils nous laisser, à nous les pauvres, si les choses continuent comme ça ? Au moins avec le feuilleton on oublie ses problèmes. Mais même ça, ils ne nous le laissent plus.

Ironie de l’histoire, la sortie du tunnel, ces mêmes « ils » y pourvoient : le chauve a un frère, dans la police, pas la « police police« , non, dans les services secrets… les « travaux spéciaux« .

Transpirer est une manière de pleurer comme une autre.

Notre acteur, au pied du mur, se rend dans une maison semblable à un conte de fées et se voit confier une mission assortie d’une surveillance de tous les instants.

Je n’aime pas les gens qui sourient tout le temps.

Il met ainsi les pieds dans une bien étrange mascarade, où la comédie, habile, maquille le politique, où le conte de fée, désenchanté, manipule de sombres faits comme si de rien n’était…

Ce premier tome du cycle mexicain De certaines façons de mourir, de Rafael Menjívar Ochoa (1959-2011), dépeint avec finesse et acuité l’envers d’un décor politique. L’écrivain salvadorien, qui a exercé le métier de journaliste lors de son exil au Mexique pendant la guerre civile agitant son pays, commet un roman noir attachant, troublant, terrifiant. Tour de force littéraire, présenté par les éditions Cénomane (le premier tome est paru en octobre dernier, le prochain est annoncé pour avril 2014), avec la complicité du traducteur Thierry Davo.

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