Activités & captivités féminines
217 avril 2013 par Julie Curien
« Fulgurances, éclats, activés dans les zones occultes »
Tant de poils partout, et une seule pince à épiler, que l’on conserve avec les autres trésors : la radio à transistor, la montre à bracelet, les trois pots de stylo à bille et les deux aiguilles à coudre, sous le carreau décollé de la salle de bain. »
Esquisse des hauteurs
est un récit d’Alicia Kozameh (1953- ), écrit à Los Angeles en 1992, traduit de l’espagnol (Argentine) vers le français par Anne-Claire Huby et édité par l’Atelier du Tilde en 2011.
Trente femmes, détenues dans un sous-sol, tenues en joue par des policiers, sous le joug de gardiennes au pluriel et d’un garde prétorien au singulier. Dans les cellules de ciment, nonobstant l’obscurité, les princesses prisonnières captent de préférence les « fulgurances, éclats, activés dans les zones occultes ». Elles saisissent la lumière, s’en font une joie – « mais elles n’attendent rien. La joie fait partie de ce qui va venir sans qu’on l’attende. Elle doit être là. Il doit y en avoir ». Les conditions, extrêmes, se trouvent sublimées par l’énergie et la solidarité de ces femmes, leurs rires, et — oui ! — leurs facéties.
Le récit se lit comme une chorégraphie individuelle et collective, de mouvements personnels en communication gestuelle, partition muette, sensible au moindre bruit, vitale partie de cache-cache où la discrétion garantit l’activité clandestine, conditionnant l’écriture même du récit. Successivement, les détenues montent un mini-théâtre => interdit ; se font leur cinéma ; reconstruisent des romans lus en liberté, par un procédé efficient mais peu ragoûtant : inscrire les histoires sur du papier cigarette, rouler, entourer de plastique, récup, récup… introduire le livre-tampon ainsi constitué dans le vagin devenu bibliothèque. A partir de là, de cette protection, de cette fondamentale intimité, partager le savoir, la culture, l’imagination. Continuer de transmettre, d’enseigner, contourner l’interdiction de réunion, relayer les quelques nouvelles (« attention, cachez la radio »), pour résister.
Alicia Kozameh, l’auteur de ce récit tout aussi fulgurant, a elle-même connu l’expérience carcérale pour raison politique, en Argentine, avant de s’exiler en Californie.
eh bien… entre onirisme et réalité, quelle aigrexistence… quand seul reste le vagin pour bibliothèque !
[…] dont il a déjà été question sur ce blog à de multiples reprises (par ici, par là, et ici aussi, ou encore là-bas), était et continue d’être le suivant : faire connaître en France […]